750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Au chaudron culotté
29 septembre 2012

Reliquat de poulet

Voici un texte écrit hier soir en m'inspirant de Poitié de Poulet

 

Ben voilà ... tout par un jour, une vieille poule rousse, bientôt à la réforme, sentit qu'elle devait pondre...un dernier œuf.

Elle trouva un coin de paille, à l'abri des regards, dans un coin sombre du poulailler. Elle fut à peine installée qu'un œuf tiédasse et relativement mou sortit de son séant.

"Vain dieu, cria la poule, quelle horreur! Qu'ai je donc fait pour mériter une chose pareille?"

Sa réflexion n'alla pas plus loin, ce n'était qu'une poule après tout!

Elle couva malgré tout son reliquat quelques heures, quelques jours, un mois... et le 37 ème jour, la paroi molle de l'œuf se transforma en une bouillie jaunâtre.

"Beurk!" gémit la poule.

Elle caqueta rapidement, histoire de conclure l'affaire et sortit du poulailler sans prêter plus attention à son rejeton.

Affamée, elle chercha quelques vers dans la cour de la ferme détrempée par les dernières pluies.

Rapidement elle trouva, gigotant dans une flaque boueuse, une ou deux larves sur le déclin.

Pendant ce temps émergeait de son gruau un drôle de personnage fait tout en moitié: un seul œil, une patte unique munie d'un seul doigt, une aile déplumée et pour couronner le tout un demi bec.

L'animal réussit tant bien que mal à se hisser de la mare gluante qui le contenait et débaroula sur le sol de terre battue.

Il se cogna si fort la tête que sa moitié de bec se fendit en deux:

"jut alors, cha n'aurait déchà pas chété chimple avec une moichié de bec, mais chalors là, cha che complique!"

Un malheur n'arrivant jamais seul, la pauvre bête se rendit compte que sa patte était prise au travers d'une vieille palette qui servait pour entreposer le foin.

Il tira de toute ses petites forces sur ce reste de patte folle et déchira la membrane qui recouvrait encore son unique doigt.

"quelle poiche, chalors! " Il observa sa patte et finalement se dit que c'était une bonne opération: il avait maintenant deux espèces de doigts au lieu d'un.

Prenant appui sur la palette, il aperçut entre deux planches vermoulues une faible lumière. Il cligna de l'œil, une fois, deux fois et décida, par curiosité, de se faufiler sous le foin pour en avoir le cœur net.

Cette décision fut fort regrettable pour les quelques plumettes duveteuses qui ornaient encore son aile mais notre poulet était semble t-il courageux et ne fit point cas des pertes occasionnées.

Sous le foin, il découvrit ce qui allait changer sa misérable vie de reliquat de poulet.

Ce qui brillait faiblement il y a quelques minutes, éblouissait maintenant son regard vitreux: un écu! Reliquat de Poulet avait trouvé un écu!! Quelle aubaine!Lui qui commençait si mal son existence. L'excitation fébrile qui s'empara alors de lui fut telle que son corps fut pris de tremblements incontrôlables.

Cette agitation eut pour conséquence de faire voler la poussière de foin et de rendre perceptible... d'autres écus. Reliquat de Poulet n'en croyait pas son œil.

Il se mit à gratter frénétiquement le sol à l'aide de son restant de bec et mit en évidence une dizaine de pièces dorées.

"chochoricho, chochoricho!" cria t-il à plein poumon.

La basse cour, alertée par tant de raffut, accourut.

Reliquat de Poulet se tut: il prit tout à coup conscience que sa trouvaille pouvait attiser certaines convoitises.

Dans une symphonie de gloussements, la basse cour retourna à son occupation.

Reliquat attendit alors sagement la nuit, et sans trop de bruit, s'extirpa non sans dégâts, de dessous la palette. Il avait pris soin de ranger dans son gosier son éclatante découverte.

En sautillant discrètement hors du poulailler, il heurta un caillou et se ficha par terre. Il ne put retenir les écus qui sortirent un à un de son gosier dans un joyeux tintement.

Le coq, maître des lieux, se mit à chanter, croyant que l'aube était de retour, les poules gloussèrent, le chien aboya et finalement le fermier sortit sur le perron de sa chaumière.

« Qui va là? » hurla t-il armé de son fusil.

-cheu, chai moi, Chelichat de choulet, murmura le volatile.

Croyant qu'on se moquait de lui, le fermier tira au hasard et Reliqua de Poulet reçut un plomb dans le jarret.

Il pensa qu'il valait mieux se taire s'il ne voulait pas finir troué comme une passoire.

Apaisé, le fermier rentra chez lui et ferma la porte.

Reliquat de Poulet rassembla ses écus et les rangea cette fois dans le trou occasionné par le plomb.

Assez refroidi par cette nouvelle mésaventure, il emprunta le premier chemin à droite de la ferme. Il avait à présent une idée bien moins floue de la tournure que devait prendre son existence. Il envisageait de rejoindre la bourgade la plus proche, de s'y refaire une santé et d'y vivre paisiblement et confortablement en échange des écus récoltés.

Volontaire et hardi, il s'enfonça dans la nuit déjà bien avancée. La contrée qu'il s'apprêtait à traverser était plongée dans un épais brouillard.

Reliquat était bien embêté, son unique oeil ne lui était pas d'un grand secours.

« Brouillard, brouillard, aide-moi, che ne chais où aller, retire-toi un inchtant ch'il te plaît, que che puiche me diricher., supplia l'oiseau.

Quoi? Que je t'aide, toi la creuille bête? Mais tu n'y penses pas, ôte toi plutôt de mon chemin et laisse moi progresser!

Après cela, le brouillard devint encore plus épais, si épais qu'il plaqua Reliqua de Poulet à terre. Malheureusement, en s'affaissant, un écu tomba de son jarret. Il eut beau chercher, il ne le retrouva point.

« Tant pis! , se dit -il, après tout, je n'en n'ai pas besoin d'autant. Et il reprit son chemin, prenant garde de toujours rester dans l'ornière creusée au fil du temps par les allers et venues des charettes et autres moyens de locomotion.

Il arriva bientôt près d'un ruisseau. Le traverser ne lui semblait pas insurmontable, alors, il se jeta à l'eau.

Mais Reliquat de Poulet n'avait jamais goûté pareille sensation:

-Eau, eau, aide -moi, tu mouilles, tu me chèles, chors moi de là ch'il te plaît, gémit le poulet.

-Que néni, ricanna le ruisseau, qu'ai je faire d'un avorton comme toi? Laisse-moi couler tranquillement et débrouille-toi!

Sur ce, le cours d'eau qui s'écoulait jusqu'à alors paisiblement, se transforma en torrent et sortit de son lit.

Reliquat de Poulet fut emmené et malmené par le courant tonitruant qui le dirigea tout droit contre un arbre avant de se retirer.

La pauvre bête fut bien sonnée. Quand elle reprit ses esprits, ce qu'il en restait tout du moins, son jaret n'était plus qu'un trou béant.

-oh chut alors, gémit Reliqua de poulet, chai encore perdu quelques écus! Tant pis, il m'en rechtera bien achez pour vivre.

Cela n'affecta pas plus l'animal qui poursuivit son chemin.

Reliquat de poulet sautillait maladroitement déjà depuis plus d'une heure et la matinée, même s'il n'en n'avait pas conscience, était bien entamée.

Un souffle d'air frais vint le balayer. Il se retrouva à nouveau par terre, se releva. Cependant le souffle gonfla et c'est une bise bien fraîche qui prit possession des lieux.

Reliquat avait la chair de poule! Il rentra sa moitié de tête dans sa rognure de duvet souffreteux, histoire de se persuader qu'il aurait moins froid.

Encore quelques instants et il n'y tint plus:

-Vent, vent, arrête-toi un moment, aide-moi, ne vois tu pas que ch'ai froid et que ch'ai du mal à progrecher?

-Fi! Fi, souffla le vent, sacrebleu , regardez-moi ce sédiment de poulet!ôte toi de mon chemin et laisse moi souffler en paix! »

La dessus, une rafale emporta Reliqua de Poulet dans les airs et le fit virevolter à en perdre ses derniers écus.

Puis, quand le vent cessa, il plana telle une plume et se retrouva devant le parvis d'une église. Les cloches qui sonnaient la sortie de messe produisaient un drôle d'écho dans sa moitié de tête. Il avait encore perdu un écu.

En titubant, il se faufila par la porte entrouverte de l'église avant que la foule ne sorte.

Les bien pensants du dimanche se tenaient tous à la queue leuleu devant un énorme bénitier. Ils attendaient fébrilement leur tour pour se signer une dernière fois avant de rejoindre l'extérieur.

Reliquat de poulet observait la scène avec respect quand il entendit une petite voix venir du fin fond du bénitier:

Reliquat, reliquat, aide-moi, s'il te plaît, ne vois tu pas ces bienheureux tremper leurs doigts crasseux dans mon eau claire, ça me répugne! Aide-moi s'il te plaît!

Le poulet se souvint alors du mauvais tour que le ruisseau lui avait joué ce matin là:

-T'aider, moi? L'as-tu fait quand j'avais besoin de toi? Tu peux bien croupir dans ton bassin!

Lorsque l'église fut vide, Reliquat s'approcha du bénitier; une saumure verdâtre croupissait en son fond. Mais il n'y avait pas que cela: deux écus baignaient dedans. Reliquat ne se fit pas prier et les récupéra.

Il sortit à son tour de l'église. Au centre de la place du village, un grand feu était allumé. Jour de fête, on y faisait rôtir le cochon.

Il s'approcha aussi discrètement que possible, n'ayant pas envie, lui aussi de finir sur le bûcher. Soudain: un petit souffle lui murmura à l'oreille:

-Reliquat, reliquat , aide moi, s'il te plaît, regarde ces fumées qui s'échappent de cette rôtisserie, je m'étouffe, je ne peux souffler dans ces conditions! Aide-moi s'il te plaît!

-T'aider? Moi? L'as-tu fait quand ch'avais besoin de toi? Tu peux t'étouffer,che ne lèverai pas le moindre ergot pour toi.

Et le vent s'étouffa, il ne souffla plus. Et l'écu perdu retomba lui aussi... Reliquat le récupéra.

Il profita ensuite du spectacle: le cochon était cuit, un autre était prêt à rôtir, les villageois dansaient au son de l'accordéon et de la vielle. Reliquat piqua même du bec tant il était éprouvé par ses péripéties.

Quand il ouvrit l'oeil, la nuit tombait, un léger voile de brume avançait lentement dans le village. La fête battait encore son plein ,des lanternes, des bougies avaient été allumées.

Reliquat se fit surprendre. Quelqu'un l'interpelait:

-Reliquat, aide-moi, s'il te plaît, regarde ces lumières, regarde cette agitation, comment vais-je faire pour imposer mes nappes brumeuses dans ce village?

-T'aider? Moi? L'as tu fait quand ch'avais besoin de toi? Tu peux te dissiper, brouillard, je ne t'aiderai en rien!

Et en se dissipant le brouillard laissa apparaître un écu sur le sol. Reliquat le récupéra.

Depuis ce temps, Reliquat vit grassement en Bresse, il s'est refait une santé.

Publicité
Publicité
Commentaires
Au chaudron culotté
  • De la Bresse à des contrées plus lointaines, des valeurs sûres du terroir aux essais empiriques... toujours avec l'envie de bien faire et de mettre les papilles à l'honneur, voici quelques recettes proposées sur le blog
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 76 368
Archives
Derniers commentaires
Newsletter
8 abonnés
Musique
https://soundcloud.com/awfulpianosound/yiruma-river-flows-in-you
Publicité